MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE

MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE
MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE

Sous le vocable «multiplication végétative» se retrouve tout type de reproduction des plantes ne faisant pas intervenir le phénomène sexuel, c’est-à-dire, en définitive, tout le mode de reproduction conservant l’ensemble de l’information génétique du végétal de départ et constituant, de ce fait, ce qu’on appelle un clone . Dans les conditions naturelles, ce type de multiplication est extrêmement fréquent chez les végétaux tant inférieurs que supérieurs où il est parfois très efficace: stolons ou rhizomes des Graminées, tubercules des pommes de terre. Il est aussi largement utilisé en horticulture (greffes) ou au laboratoire (culture de tissus).

Modes de multiplication sans sexualité

Les modes de multiplication sans sexualité sont très divers dans tous les groupes végétaux. Outre le cas de bipartition intervenant chez les organismes monocellulaires ou lors d’étapes unicellulaires du cycle d’alternance de générations, on peut distinguer de nombreuses modalités: ce peut être par fragmentation de l’individu, soit après une coupure naturelle, par exemple une mortification, isolant l’extrémité d’un stolon (fraisier, fig. 1), un tubercule (pomme de terre), un sclérote (Champignons), soit après une intervention de l’homme en vue de réaliser des cultures clonales à partir d’un individu présentant des propriétés données (cultures de levures, utilisées pour les fermentations ou la production d’antibiotiques; bouturage, greffage en horticulture); ce peut être aussi par formation, dans le végétal, de cellules ou groupes de cellules, d’organes ou groupes d’organes plus ou moins différenciés se séparant du végétal d’une manière naturelle; bulbilles des Fougères et de quelques Angiospermes (fig. 2); propagules, kystes de végétaux inférieurs, téleutospores de Champignons, graines dont l’embryon est formé, sans fécondation, à partir de certaines cellules du sporophyte, du nucelle par exemple, et dites apomictiques , ou à partir d’une cellule du gamétophyte non réduit...; enfin, ce peut être par élaboration chez les végétaux inférieurs de cellules, encore plus spécialisées, nécessitant des remaniements très importants à l’intérieur d’une cellule dont la membrane, devenue déhiscente, laisse échapper les cellules néoformées munies de flagelles (zoospores, particulièrement adaptées au milieu aquatique) ou non (aplanospores).

Caractéristiques de la multiplication végétative

On peut, d’une façon générale, considérer la multiplication végétative comme fixatrice, pour les individus de la descendance, des caractéristiques acquises par un organisme au cours des vicissitudes de la reproduction sexuée. En effet, les processus mis en œuvre permettent, sauf cas exceptionnels, la permanence du stock génotypique dans une population issue d’un individu de patrimoine héréditaire donné.

Mais, si la multiplication végétative apparaît comme conservatrice de l’ensemble du génotype, il n’en est pas toujours de même en ce qui concerne son fonctionnement. En effet, on a mis en évidence la transmission dans la descendance de certains types de fonctionnement tant pour des Champignons que pour des Phanérogames. Les faits sont particulièrement nets chez les plantes possédant des rameaux dimorphes, les uns dressés, à symétrie radiale, dits orthotropes, les autres latéraux, horizontaux, souvent à symétrie bilatérale, dits plagiotropes (fig. 3); les boutures de ces deux types d’axes donnent, en effet, naissance à des plantes morphologiquement très différentes (fig. 4). Par exemple chez Phyllanthus amarus , les rameaux plagiotropes se développent très peu; bouturés, ils présentent une croissance indéfinie sur le mode «plagiotrope». Chez certaines plantes d’intérêt économique comme le cacaoyer et l’hévéa, des propriétés de ce type ont été mises en évidence; chez l’hévéa, elles sont actuellement en voie d’utilisation et permettent d’espérer une augmentation très sensible de la production de latex à l’hectare.

Les processus de sénescence, interprétés comme un mode particulier de fonctionnement du génotype, peuvent être transmis, lors du bouturage, comme cela a été démontré chez des Champignons. On a observé que certaines cultures présentent, de façon aléatoire, des zones morphologiquement différentes du thalle initial. Des repiquages successifs de fragments provenant de ces zones donnent naissance à un thalle de structure nouvelle; on a pu montrer qu’il s’agissait de l’acquisition progressive par le mycélium en croissance de propriétés (ici la sénescence) susceptibles d’être transmises par les fragments repiqués.

La transmission d’un certain type de fonctionnement acquis par un individu peut même être le fait d’organes aussi spécialisés que des graines apomictiques (cf. infra ).

L’étude de la morphogenèse a mis en valeur l’existence de fonctionnements différents du génome d’une même plante selon les niveaux considérés. Ainsi, les bourgeons peuvent manifester des potentialités différentes lorsqu’on les sépare de cet axe. La multiplication végétative permet, en quelque sorte, d’isoler et de maintenir ces différences de fonctionnement du génome.

Mais souvent le végétal, issu dans les conditions naturelles de bulbilles ou de tubercules, présente les mêmes étapes de développement qu’un individu issu d’une semence d’origine sexuée. Or, par rapport à l’organisme qui lui a donné naissance, la graine est physiologiquement marquée par des processus de «rajeunissement», c’est-à-dire par une modification dans le mode de fonctionnement de l’information génétique. La multiplication végétative naturelle peut donc, dans certains cas, aboutir à un résultat comparable.

Il faut aussi souligner que, parfois, la multiplication végétative est liée à la production d’organes ou groupes d’organes de résistance (tubercules, sclérotes, bulbes, bulbilles, etc.) jouant, sous le rapport de l’adaptation aux conditions extérieures, un rôle comparable aux graines.

Avantages et inconvénients

De la propriété de reproduction «conforme» de l’information génétique découle un certain nombre de conséquences. Dans les conditions naturelles, les plantes présentant ce mode de reproduction sont dans une situation éminemment favorable pour conquérir un biotope à partir d’un individu dont le génotype est bien adapté aux conditions de ce site. Cela est particulièrement évident quand la multiplication végétative est réalisée par des organes de résistance permettant le passage par des conditions écologiques difficiles ou lorsque les conditions écologiques sont incompatibles avec la reproduction sexuée.

Elle permet d’assurer la conservation théoriquement «indéfinie» de végétaux auxquels le patrimoine génétique interdit la reproduction sexuée: triploïdes (bananiers), hybrides inféconds (clémentines, raisins, oranges sans pépins), ou la propagation d’individus d’un seul sexe d’une espèce dioïque (élodée).

Grâce à elle, l’homme a pu multiplier des individus végétaux formés d’une mosaïque ordonnée de cellules de divers génotypes. De telles combinaisons, dites chimères , plus particulièrement celles «périclines», constituées d’«emboîtements» de tissus de structures génétiques différentes, sont très fréquentes chez les plantes cultivées (pommiers, œillets, érables, sansevières, etc.) et ne peuvent être conservées que par cette voie. De ce fait, la multiplication végétative ouvre des possibilités quant à l’introduction de variations. On peut, en effet, l’employer pour la sélection de certaines formes de fonctionnement de l’information génétique, ce qui a certainement déjà été utilisé empiriquement dans les pratiques de l’horticulture. Récemment, on a montré que les processus d’adaptation de certaines Graminées (Panicum maximum ) à diverses conditions écologiques passaient, pour une part importante, par des différenciations transmises par multiplication végétative banale (marcottes) et, pour une autre, par des graines apomictiques. Notons, enfin, que des «mutations» ou des «variations dans le mode de fonctionnement du matériel héréditaire» peuvent intervenir sur des cellules servant à la multiplication végétative et, dans ce cas, constituer le point de départ d’un clone d’une structure génétique, ou morphogénétique, modifiée.

L’utilisation de ces modifications est devenue d’application courante, non seulement au laboratoire, mais même à l’échelle agroindustrielle grâce aux techniques de cultures de tissus, voire de cellules isolées de ces cultures, à partir desquelles on régénére des individus entiers. Il s’agit de clonage.

Cependant, le mode de reproduction «conforme» n’est pas sans inconvénient: contrairement, en général, à la reproduction sexuée, il facilite la transmission aux descendants d’un agent pathogène (virus, mycoplasme, champignons) dont l’individu parent a pu subir l’attaque; de même, l’homogénéité génotypique d’un clone met l’ensemble de celui-ci à la merci d’une race de parasite nouvellement introduite ou devenue particulièrement active à son égard; c’est ainsi qu’un champignon, Phytophtora infestans , a détruit, à la fin du siècle dernier, toutes les plantations de pommes de terre d’Irlande. Aussi les États ont-ils pris des mesures phytosanitaires pour pallier ces inconvénients chez les plantes cultivées (vigne, pomme de terre, agrumes, canne à sucre, par exemple) en particulier pour tenter d’éviter la propagation de parasites.

Reste, enfin, le risque de vieillissement du clone. Si certaines plantes comme le Cyperus esculentus , qui se reproduit végétativement en Afrique intertropicale par ses tubercules, ou le safran cultivé, multiplié artificiellement et exclusivement par voie clonale depuis l’Antiquité, ne semblent pas présenter d’indices de vieillissement, il n’est pas inconcevable qu’à plus ou moins longue échéance des processus de sénescence se fassent sentir au cours de la propagation des clones. Cela a évidemment une particulière importance pour les plantes cultivées.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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